JE PARS M'INSPIRER AVEC

L’interview de Gilles a été faite lors de son pèlerinage entre Vézelay (France) et Assise (Italie) le 31 mai 2022.

 1/ Gilles, peux-tu nous raconter le voyage de ta Vie ?

Jusqu’à l’âge de 5 ou 6 ans, comme beaucoup d’enfants, j’étais à l’écoute de toutes mes émotions et sensations, avec une vision holistique de ce qui m’entourait. J’essaie toujours de préserver cette pureté originelle et mon âme d’enfant.

Pour retrouver ces sensations, je fais des pèlerinages. J’en suis à mon troisième, que je fais tous les cinq ans. Ces longs pèlerinages de deux mois et demi me permettent de me reconnecter avec moi-même, avec les autres, avec Dieu, et avec la nature. Mon dernier pèlerinage m’a conduit à François d’Assise, l’ami de la nature et des animaux.

Ces voyages sont des cadeaux qui me permettent de marcher dans le silence et la nature, me reconnectant ainsi à mon esprit d’enfant et à Dieu. Je vis des moments de grâce, me sentant heureux et plein d’amour pour tout ce qui m’entoure. Bien que solitaire, j’invite parfois mes proches à marcher avec moi, comme ma fille, un ami, ma compagne, et même ma mère de 90 ans, qui m’a rejoint au début de mon pèlerinage.

Durant ces pèlerinages, je porte les intentions de nombreuses personnes :

• Les jeunes de l’association Kairose, que j’ai fondée. Nous aidons les jeunes en décrochage scolaire à se découvrir, à avoir confiance en eux, et à choisir leur voie avec passion. Mon combat est que chaque jeune Français ait une semaine de développement personnel pendant sa scolarité, pour compléter l’orientation scolaire traditionnelle.
• Mes amis Russes et Ukrainiens. J’ai travaillé trois ans en Russie et voyagé pendant vingt ans dans toutes les régions du pays.
• Les personnes en difficulté, sans emploi ou en souffrance.

En traversant les Alpes, j’enlève les pierres des chemins pendant la journée et les cailloux des chaussures des pèlerins le soir. Formé à la médiation, j’apporte des solutions et une écoute bienveillante à ceux que je rencontre. J’apprécie cette posture de pèlerin sans obligation, me fiant à la providence pour trouver des refuges où dormir.

En résumé, ces pèlerinages m’aident à me reconnecter à moi-même, aux autres, et à la nature, tout en portant les intentions de ceux qui m’entourent et en apportant aide et réconfort aux pèlerins que je rencontre.

2/ « Qu’est ce qui t’a emmené à faire des pèlerinages ? »

Tout a commencé avec un ami, Philippe, que j’ai rencontré dans l’association EVH où j’ai été impliqué pendant 20 ans, dont 8 ans comme président. Philippe revenait de Saint-Jacques-de-Compostelle après avoir vendu sa société et m’a dit : « C’est absolument merveilleux, surtout n’attends pas la retraite pour le faire ! Il faut prendre des moments dans sa vie pour vivre sa relation à Dieu, etc. »

À cette époque, j’avais un emploi du temps très chargé en tant que patron et l’idée de prendre du temps pour moi m’a semblé géniale. Cependant, il m’a fallu quelques années pour franchir le pas. J’avais même honte d’annoncer que je voulais prendre six mois, comme une femme annonçant sa grossesse à son patron. Finalement, j’ai décidé de prendre un congé sabbatique après avoir fini ma responsabilité en Russie, mais cela ne s’est pas concrétisé car on m’a confié la responsabilité d’une dizaine de pays. J’ai alors insisté pour fixer des dates et réaliser ce pèlerinage.

Ce désir de pèlerinage était une intuition nourrie par la recommandation de Philippe. J’avais besoin de temps de recul pour réfléchir sur ma vie, notamment sur mon divorce. À 40-45 ans, j’ai ressenti l’appel de me reconnecter à Dieu et de retrouver mon état d’enfant. Je voulais explorer mes tripes et mon cœur, au-delà de mon cerveau, en me posant des questions profondes sur ma raison d’être et en me reconnectant à la nature.

Le pèlerinage me permet de me connecter à Dieu et à la nature, une expérience unique pour moi. C’est important de le faire sur une longue durée pour en ressentir pleinement les bienfaits.

Après avoir adoré mon premier pèlerinage, j’ai entrepris un deuxième il y a cinq ans : le chemin des 88 temples de Shikoku au Japon, un pèlerinage bouddhiste où j’ai ressenti une connexion avec mes ancêtres et mes trois premiers enfants décédés.

Cette année (2022), j’ai ressenti l’appel de faire un pèlerinage avec un focus sur la nature et de réfléchir à mes années futures de retraite. J’aime le terme espagnol pour la retraite : « Jubilation ». Je prépare ces prochaines années de jubilation, souhaitant vivre près de la nature tout en continuant mes activités dans des conseils d’administration. Ce pèlerinage m’aide à visualiser et à préparer mon avenir.

3 / Quels ont été l’impact de tes pèlerinages sur ton management ? vis à vis de tes collègues et collaborateurs ? 

Mes pèlerinages ont eu des effets absolument énormes sur beaucoup de personnes autour de moi. Par exemple, tout le Comex de Sodexo m’a dit : « Nous t’envions ! » et « Moi, je n’oserais pas, car j’aurais trop peur de ne pas pouvoir retrouver mon job au retour ». Il y a beaucoup de peurs à surmonter.

Oser faire un pèlerinage casse un certain nombre de peurs, et beaucoup de gens se sont autorisés à faire des breaks sabbatiques après que j’ai fait le mien. Mon break a été bien organisé pour que plusieurs personnes prennent en charge les différentes tâches que j’avais.

Mes équipes ont demandé une réunion pour que je leur explique ce que j’avais fait, pourquoi je l’avais fait, et ce qui s’était passé. Ils ont vraiment adoré !

Je pense qu’il devrait être autorisé de prendre des breaks sabbatiques dans notre vie, que ce soit pour faire une transition, accompagner quelqu’un qui ne va pas bien, ou se reformer.

Oser faire ce break pour partir en pèlerinage a autorisé beaucoup de gens à faire de même, y compris mon fils, qui s’autorise à prendre 8 mois sabbatiques lorsqu’il a un nouvel enfant.

Mon assistante, qui était très « choquée » que je parte, a été positionnée sur un poste de recrutement pendant mon absence. Maintenant, elle est DRH. En me retirant, j’ai laissé de la place, et beaucoup de mes collaborateurs directs ont aimé avoir des tâches supplémentaires. Cela leur a donné la liberté de penser : « Pourquoi pas moi ? » Et souvent, on ne se rend pas compte, mais on devient une référence pour les autres.

Dans la vie, on se souvient des moments où l’on a pris des risques, et on se dit « Wow! ».